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Frumette à cheveux longs et idées courtes
16 mai 2016

Judaïsme et féminisme

Article rédigé en mai 2016

 

la_source-femmes-

 
"Ainsi est l’habitude des gens simples : ils ne creusent pas dans les lois 
et
s’emportent contre toute explication ou note qui leur semble nouvelle…
Bien qu’en réalité ces choses proviennent des sources les plus anciennes".
Rav Abraham Isaac Kook (Iguerot 4, p.68)
Je me considère comme juive orthodoxe, moderne, et féministe également. Pour moi le féminisme et le judaïsme ne sont pas contradictoires, au contraire:
"Now Deborah, a prophetess, the wife of Lappidoth, was judging Israel at that time"Judges 4:4 תמונה: שירה העברי- אמנות יהודית ותופי מרים
En se déclarant féministe on reçoit toute une liste de stéréotypes aux yeux des "anti", mais aussi toute une liste d'idées auxquelles on est sensée adhérer aux yeux des "pro": Quand je me revendique féministe devant un·e "religieux·se" lambda, on me fait un cours de Torah comme si je reniais automatiquement les différences physiques et psychologiques propres à chaque sexe (et donc à leurs yeux je suis sensée être d'accord avec toutes les idées qui découlent de la non acceptation de ce postulat, pourtant de base à mes yeux); Parallèlement, quand je me déclare juive orthodoxe respectueuse de la alaha (loi juive) devant certaines femmes (rappelant ironiquement une princesse Disney à force de crier à qui ne veut plus l’entendre qu’elles sont "libérées délivrées"), j'ai droit à un petit rappel historique des acquis de la révolution sexuelle. Comme si mon ouverture d’esprit se mesurait à celle de mes boutons de chemise. Comme si mes jupes au genoux étaient à la fois une insulte à Simone de Beauvoir et synonymes de soumission au mâle et à son désir sexuel agressif et menaçant... Pour certain·e·s la femme serait libre de découvrir son corps des conventions mais non pas libre de le vêtir de modeste élégance: si elle est libre, elle doit le prouver en montrant un minimum subjectif /suggestif, et ne devrait pas décider en toute indépendance de sortir avec un col aussi fermé que l’esprit de ceux·lles qui considèrent que la liberté est inversement proportionnelle à la surface de chair visible. Parce que l’on s’est battu·e·s pour avoir le droit de s’habiller comme on veut et qu’aujourd’hui on a le ‘’droit” de sortir en jupe courte sans se faire agresser (oui on reste dans la théorie) alors les gens se doivent de jouir de ce droit; au nom de la liberté. La société occidentale moderne accorde davantage d’importance à cette sacro-sainte liberté qu’au respect ou au bon sens. Elle tient tellement en horreur les restrictions qu’elle jouit du “j’ai le droit” dans un excès tel qu’elle devient esclave de cette liberté , la surconsomme comme elle surconsomme le sexe, la nourriture ou le droit d’expression.
Credit photo: Andrea Grinberg
Aux yeux de beaucoup, je suis "très pratiquante". Et ( pas "mais") je veux travailler, être indépendante financièrement, étudier la Torah. J'ai fait kadish pour mon grand père. Je sais que beaucoup de femmes attendent de leur homme qu’il les défende et les protège et je respecte ce sentiment. Moi je me sentirais infantilisée par l'aide ou l'intervention d'un homme , et ce que je gère la situation, ou que je ne la gère pas. (Je ne parle évidemment pas d’un cas où je serai physiquement en danger, mais de toutes ces situations le plus souvent débordant d’hormones où les femmes aiment jouer les princesses en détresse secourues par un courageux beau chevalier, tout autant que ces chevaliers apprécient revêtir leur ego de cette armure romanesque. A mes yeux c’est apparentable au “sexisme bienveillant”. Je suis féministe et je pense que la femme a davantage que l’homme des responsabilités concernant le foyer (que vos pensées ne dépassent mes paroles je n'ai pas écrit “ménage”), qui lui a plus la responsabilité de gagner de l'argent et d'étudier la Torah (et je n'ai pas dit que la femme ne pouvait pas le faire aussi, au contraire je trouve cela fantastique, sinon nécessaire).
Crédit: רָבִיד בְּאַמָּנוּת Ravid Art
J'essaie de m'habiller pudiquement non dans un but d'effacement de ma féminité et de mon identité ,mais de leurs affirmations. Lien Je mets des manches longues non par soumission aux hommes mais par respect de la femme, tout en défendant que si je sortais entièrement nue cela n'autorise personne à me violer. Si les hommes ont un problème c’est à eux de le résoudre et non aux femmes de s’habiller autrement. Considérer la femme comme une incarnation charnelle du Mal venue les tenter n’a rien à voir avec un judaïsme authentique. C’est un héritage chrétien, conséquence d’un trop long exil en terres d’Occident, qui culpabilise les femmes et déresponsabilise les hommes. C’est à l’opposé de la Torah qui définit un גבר (un homme) comme le maître de ses pulsions.
Lorsque Golda Meir était Premier Ministre, un de ses conseillers lui avait proposé d’imposer un couvre-feu aux femmes pour enrayer une série de viols. Elle lui avait répondu : “Ce sont les hommes qui attaquent les femmes. S’il y a un couvre-feu, ce sont les hommes qui devront rester à la maison”. Crédit dessin: Monsieur Q
Dans beaucoup (trop) de familles les garçons boivent le verre de kidoush avant les filles. Pourquoi cela ne choque t’il personne? Le Rav Ovadia Yossef zal lui même faisait logiquement passer le verre de kidoush selon l’ordre de la table, les garçons ne buvaient pas avant ses filles (interview de sa fille, au passage très intéressante. En hébreu et en français) . Dans le même style on a parfois un côté de la table de shabat réservé aux hommes et le second aux femmes et enfants. En soi je n’ai rien contre même si je ne suis pas pour.
En revanche je suis contre certaines des habitudes qui vont souvent avec cette non mixité lors des repas.
1/ Que le houmouss le mieux assaisonné , le récipient le plus joli, etc, aillent automatiquement du côté des hommes. Observez la prochaine grande table regroupant nombre d’invité·e·s et vous constaterez que c’est souvent la norme. J’ai mis des années pour le remarquer.
2/ Que le côté des femmes subisse une pression sociale implicite (ou pas) pour servir et débarrasser. D’ailleurs en général c'est ce même côté qui a préparé le repas. Sur ce point je ne suis pas faite pour vivre de manière plus “féminine”, vivre differemment de ce que ce que les hommes vivent au jour le jour, à savoir qu’ils aident (j’appuie sur le mot ‘’aide’’) aux repas et tâches ménagères sous les applaudissements de la société. (Si mon cher et tendre me sortait un “Ma chérie qu’est ce qu’on mange?” je lui répondrai “je ne sais pas, tu as préparé quoi?”. Ne comptez pas sur moi pour faire plus que lui , je déteste ça autant que lui). Je n'ai aucun problème à r·amener les plats (j'ose espérer qu'il en est de même pour tous·es) , et je le fais, même quand ces messieurs ne bougent pas, tout simplement car je veux ce que je pense devoir faire. Mais j'ai un réel problème à me lever au milieu d’une mahlokette intéressante (discussion en Torah) ou de zmirot (chants) de shabat quand les hommes continuent à chanter ou parler. Moi aussi je veux chanter, moi aussi je souhaite écouter et participer à ce hidoush complexe en Torah. On dirait que dès que l'on chante c'est un signal pour les femmes que ces messieurs sont rassasiés ("grâce à Dieu "!) et qu'il est temps d'amener le dessert ("espérons qu'ils vont l'aimer!"). Si tout le monde chante ou parle mais que le plat est fini je pense que toute la table doit finir de chanter , et qu’ensuite tout le monde peut se lever ensemble pour débarrasser. Cela mettra peut être un peu plus longtemps que si les femmes sont au service de ces messieurs mais quel est le problème? De plus cela va plus vite quand tout le monde s’y met.
3/ Que les enfants soient systématiquement du côté des femmes. Il est impossible de suivre une conversation quand 2 petiot·e·s se disputent. Par contre cela serait bien plus facile si chacun·e des 2 parents s’en occuppaient pendant le repas. On s'étonne que les femmes parlent de leurs bambin·e·s ou d’autres sujets légers. Même si elles arrivaient à entendre les discussions de ces messieurs (un peu de naïveté n’a jamais tué personne) essayez de parler Mishna quand 2 enfants se disputent le seul verre Dora ou quand il fautveiller à ce qu’ils.elles ne salissent pas leurs beaux habits de shabat. C'est certes plus facile de parler gemara quand on ne doit s’interruptre que pour: "Pardon ma chérie? Combien de boulettes ? trois, merci. Succulent au fait!". Où en étais je? ha oui et donc Ben Betara omer...". A ce que je sache les 2 parents sont responsables de leurs enfants, le shabat est consacré à la famille, les 2 parents peuvent adorer la Alacha. Je ne vois pas pourquoi ce serait plus à la femme de descendre des hauteurs abstraites pour changer la couche de bébé (si monsieur le fait, veuillez l’applaudir! Quel homme moderne! : la société l’en encourage et le soutient ausssi bien au’une pompom girl. Si les couches ce n’est pas pour lui ce n’est on lui pardonne, le choix lui ai  laissé de refuser cette tâche, si elle lui parait ingrate ou rebutante) ... Donc, disais je, c’est à la femme de se lever changer la couche quand bébé a besoin ... alors qu'elle est peut être en pleine argumentation. (Si elle a eu la possibilité d'être placée assez près des hommes (ces intellectuels!) pour entendre leur conversation et y participer sans prendre un haut parleur).
De la même manière dans je crois nombre de familles traditionnelles, les jeunes filles aident à la vaisselle (normal en soi) mais un jeune garçon n’y touchera pas. Par contre il lui sera demandé d’aller jeter les ordures et ce, même si le sac est très lourd, qu’il n’a que 12 ans et qu’il serait beaucoup plus logique de donner cette “tâche “ (somme toute de 1 min 45, contrairement à la vaisselle) à sa sœur plus âgée pour le mettre lui aussi à la plonge. Si elle restera une princesse et non il n’y noiera pas sa virilité, ses mains ne ressortiront pas du savon les ongles vernis et il n’en sera qu’un meilleur mari plus tard.
Credit photo: Arnie Draiman
Je suis contre la gay pride (telle qu'elle se déroule actuellement) , contre la reconnaissance par l’Etat des mariages homosexuels ... et je m'insurge quand j'entends des propos homophobes et des expressions populaires comme"pédé" de la même manière que quand j'entends "courir comme une fille", termes que je considère, au mieux comme des insultes assumées, au pire comme une paresse et lâcheté verbales. Je trouve normal (et pratique) qu’un garçon de 12 ans soit capable de se préparer à manger tout seul, de faire une machine et que sa sœur sache changer une ampoule.
A moins qu’elle ne soit uniquement réservée aux personnes très décentes je serai triste d'entendre l’existence d’une zone mixte au Kotel (Mur des lamentations) et je suis révoltée contre certains bus qui font asseoir les femmes derrière et les hommes devant. Je ne vois pas pourquoi il est mal vu de garder son nom de jeune fille: Les hommes gardent leur nom en se mariant (sans qu’ils ne soient accusés de machisme par cette audace). Personne ne demande au mari de renoncer au nom qu’ils utilisent depuis leur naissance pour prendre celui de son épouse, ou soyons cons si il y en a, même juste d’accoler le nom de jeune fille de sa femme au sien. Si c’est une “preuve d’amour” que les femmes prennent le nom de leurs maris, pourquoi ces époux ne devraient ils pas eux aussi la donner cette preuve d’amour? Je défendrai véhément le droit alahique des femmes à acquitter les hommes de leur kidoush (bénédiction sur le vin) devant toute personne affirmant qu'un kidoush féminin est de moindre valeur (je ne parle pas de ceux
·lles qui l’ignorent, moi même je l’ai appris assez récemment), tout en préférant qu'un homme fasse ce même kidoush, pour la même raison que je préfère procéder moi même à l'allumage des bougies de shabat (alors que l’époux y est aussi astreint). Si mon féminisme est respecté par mon conjoint je pourrai lui baiser les mains, lui laver les pieds, l’appeler בעלי (littéralement “mon mari / maître”) sans sentiment aucun de subordination mais seulement ceux de respect profond, d’unité et d’affection: Je considère comme un plaisir et un honneur de traiter son mari comme un Roi si je suis moi même Reine (personellement je resterai princesse) et non l’ombre de ce Roi (certes oui j’étais une ado des années 2000). Je suis pessimiste quand je vois qu’en voiture il est culturellement courant que, s’il ne reste qu’une place sur chaque banquette l’homme s’asseye devant et la femme derrière, mais que l’inverse surprendrait certains·es qui y verraient une émasculation. Ces normes sociales communément acceptées, aussi établies qu’elles sont implicites je m’en bats les cils car je ne vois pas pourquoi un sexe aurait davantage la liberté de choix d’occuperl’espace social public ou privé.
Merci à Stéphanie Halbershtam pour cette photo.
J’ai beaucoup de respect pour les femmes qui choisissent de consacrer tout leur temps à leur famille et maison, je veux défendre l’importance de leur rôle trop souvent dénigré. Et je sais aussi que ce n’est pas pour moi, je ne peux concevoir ma propre vie personnelle à prendre soin de ma famille sans pouvoir analyser, résoudre mes propres énigmes et partager avec mon conjoint des péripéties quotidiennes qui n’ont rien à voir avec ma maison mais avec d’autres activités nécessaires à mon accomplissement.
Credit: Yonina, photo: Linoy Mishaly
Le chant m'épanouit et je veux défendre les sources alahiques qui me permettent de chanter en public et de m’en aller vers moi au présent, ce qui est l'un des buts de toute créature de l’Éternel. Après tout mon prénom שרה peut aussi être lu comme Shara ("elle chante", au présent). L’une de mes plus grandes joies fut d’avoir pu danser avec dans mes bras un Sefer (Livre de) Torah du côté des femmes, lors de mon anniversaire, shabat Bereshit et lendemain de Simha Torah. (Ma joie n’eut été si pure et authentique en milieu mixte, de par sa tension sexuelle inévitable car inconsciente). Je ne peux ni imaginer ma vie dépendante financièrement de mon mari, ni sans assouvir mon besoin maternel naturel que j'espère qu'Akadosh Barouh'Ou me Permettra de combler. Dans ce domaine il me tient de souligner la pression sociale qui définirait un moule bien précis à l'instinct maternel (surtout celui des mères juives). Ce moule contenant obligatoirement une recette de shabat diététique pour bébé, composée en partie des larmes d'amour et de ravissement maternel pour le rejeton gazouillant et ses grabouillis. A ‘’rentrer dans ce moule je finirai par devenir une tarte’’.Vous pouvez chercher sur les sites de cours de Torah ‘’pour femmes’’ ils abreuvent de citations fleuries censées prouver l’importance de l’affection maternelle (ce que je ne nie pas). Qu'un homme trouve à raison que la créature chauve et rondouillette a la tête d’une pomme de terre déformée ou qu’il avoue ne pas être transporté d’émotion par l'oeuvre d'art abstrait d'une fillette de 18 mois est socialement accepté. "C'est un homme que veux tu!"? Ce que je veux? Que devant le même manque d’enthousiasme une femme ne soit pas taxée de mauvaise mère, ni de manque d'amour, ni que sa nature de femme ne soit contestée . On peut avoir un instinct maternel différent des autres femmes, qui ressemble parfois à celui d'un homme, mais qui s'en éloigne pourtant, par la nature profonde, intrinsèque d'une maman aimant sincèrement son enfant. On dira "un enfant change tout, tu verras quand ce sera le tien". Pourquoi pas? Peut être. Ou peut être pas. Et dans ce cas j'espère que ce ne sera pas un drame.
"On m'a incité à ne pas utiliser le mot 'féminisme' parce que les gens estiment qu'il est aliénant et clivant, mais toute l'idée du discours était justement d'inclure autant de gens que possible. J'y ai sérieusement et longuement réfléchi et à la fin j'ai senti que c'était tout simplement la bonne chose à faire. Si les femmes sont terrifiées à l'idée d'utiliser le mot, comment les hommes pourraient oser le faire?" Emma Watson foreverwonderstruck DeviantArt
Je suis féministe et je m’efforce d’être orthodoxe dans ma pratique du judaïsme (orthodoxe au sens littéral et non culturel du terme, bien que je n’ai rien contre). Certains·es me jugeront trop exigeante, d'autres comme une “religieuse” moderne. Depuis des années on me donne une image de grande féministe “va t'en guerre”, image qui m’est gracieusement attribuée mais que je ne mérite pas encore. J'avoue que si peux déranger des habitudes patriarcales reposant plus sur un machisme culturellement accepté que sur une une halaha (loi de la Torah), je le fais avec le sourire au coin de l'œil.
Mais je pense que les oppositions si passionnelles viennent, dans le meilleur des cas de l'ignorance:
ignorance de la grande ouverture et du respect de la Torah pour les femmes, ignorance des nuances que peut revêtir ce terme si menaçant de féministe. Ou au pire des cas, la vivacité des réactions témoigne du sentiment conservateur automatiquement provoqué quand des idées pourtant alahiquement soutenues, provoquent le "machisemement correct". Cela bouscule le paysage traditionnel connu. Moins on remet en question une habitude et plus il est important de la conserver en sécurité dans notre ventre, au nom des “traditions”. Alors les réactions sont pulsionnelles. Un peu comme certaines personnes âgées qui n’ont pas profité de la richesse de la vieillesse pour développer de diverses expériences intellectuelles et points de vue, la connaissance et la tolérance de multiples vérités subjectives existantes, mais pour qui, au contraire, l’idée même de réévaluation menace leur sécurité émotionnelle, car met un doute insupportable sur tout ce qu’elles ont pu construire.
Credit: Malka Rothman, photographer: Daniel Notcake
De la même façon, parler de féminisme devant des habitué·e·s des minaguim (traditions) patriarcaux est peine perdue! Que ce ce soit alahiquement permis ou intellectuellement défendable importe peu quand il s’agit d’intellectualiser une réaction intestine. Ce n’est pas seulement dans le judaïsme mais dans tous les milieux et de tous temps; il n y a qu’à feuilleter les, pas si vieilles, caricatures françaises sur les “suffragettes” parodiant la volonté des femmes de voter, pour comprendre que la peur viscérale de voir les vieilles habitudes bousculées en particulier par la gent féminine est universelle, intemporelle. En tant que Juive féministe j’entends souvent de la part des deux sexes (le tout accompagné de diverses mimiques offusquées et smiley indignés) des remarques telles que: "Ça ne ce fait pas! c’est comme ça c’est tout”, “on fait ainsi depuis toujours, on ne va pas changer”, “c'est péché” (la notion de “péché” étant chrétienne ce n’est pas grave)", “tu es féministe ou quoi?” (oui merci! ), "les femmes n'étudient pas la Torah’’ (pauvre Sarah Schenirer), "les femmes n'ont pas le droit de danser avec la Torah” / ”de la toucher, car elles ont des périodes nida ". En bref beaucoup de “traditions” prises comme postulats mais jamais vérifiées: Par exemple, il est tout à fait permis à une femme nida de tenir un sefer Thora ou d'étudier sauf dans certaines conditions très spécifiques et même dans ce cas c’est une houmra (loi non obligatoire): cf Chouhan Arouh, yoré déa 282,9), etc etc.
Credit photo: Nitzan Assaf
Je crois que c'est l'image de douceur, fertilité, mollesse et servilité féminines qui attire certains hommes traditionalistes en mâle (je n'ai pu résister) de kavod (honneur) dans une société mixte, où ils n'ont plus le monopole d'autrefois, et où ils ont donc bien plus de difficultés à trouver leurs repères. L’image du chef de famille respecté, considéré par sa femme comme un roi est certes belle mais tend aussi à devenir source de fantasmes aussi rassurants que loufoques dans certains esprits ne supportant pas être contredis, mais qui trouvent plutôt agréable d’être honoré. Dans l’imagination de certains·es, une femme pudique, qui se couvre la tête, qui écoute leur kidouch avec attention est sensée ne pas contredire son mari, être docile, gaie et spirituelle, vertueuse et ignorante. Ils et elles ne savent pas que le respect qu’une femme se doit d’avoir pour son mari exige aussi une franchise, une liberté d’expression égales entre les conjoints. Plus une femme est pratiquante et moins elle est (sensée être) ignorante en Torah. En conséquence, les conjoints n’ont pas forcément la même approche, sans que l’une de ces approches soit automatiquement supérieure à l’autre: chose difficile à admettre si l’on croit que son sexe accorde le monopole et la supériorité de la connaissance talmudique ...
Photo trouvée sur internet (pinterest)
La Torah est Le Livre de morale encourageant l’esprit critique, les divergences d’opinions et les contradictions systématiques. Ou alors je n’ai rien compris au Talmud que je pensais être un recueil de débats et et l’incarnation littér·aire·le de l’esprit critique. Si le peuple Juif a survécu grâce à la préservation de ses traditions , de sa Loi et si l’étude de la Loi orale est symbolique de cette tradition, n’oublions pas l’essence de cette étude: le questionnement. C’est ce doute, ce mouvement perpétuel de la pensée qui constitue le noyau intrinsèque de ce que le peuple Juif a transmis de siècles en siècles, qu’il a gardé de pays en pays; et je crois que cette vision est largement partagée. « Le juif ne pose pas seulement des questions : il est lui même devenu question. » Edmond Jabès. Lire également sous la photo suivante le merveilleux extrait d’Alexandre Jardin - écrivainà ce sujet.
Des femmes juives orthodoxes étudient le talmud au séminaire d'étude religieuse du kibboutz de Migdal Oz le 23 mai 2013. (FLASH90 / Gershon Elinson) ("A 29 ans je decouvre par cet orateur espiegle l'euphorie talmudique , la gaiete d'enfiler les lunettes d'un homme-question, l'incroyable volupte de renoncer a etre pour devenir toujours. En se donnant le droit d'etre infidele a tout. En se desankylosant l'esprit. Le Talmud me conquiert instantanement. Aucune autre fete de la pensee ne m'a depuis feconde avec une telle tonicite. Jamais je n'avais soupconne l'enormite de la joie juive qui jailllit de la pratique aventureuse du Talmud, un toboggan sans fin. En refusant de repondre a ses propres interrogations autrement que par d'autres questions qui ricochent l'une contre l'autre, l'esprit se decalcifie et propulse sans cesse l'idee trop stable que l'on se fait de soi vers d'autres territoires. Quand le catholicisme joue si souvent a la belote pepere en lustrant ses dogmes, le judaisme joue au poker mental... ... Assez vite j'ai flaire pourquoi les Juifs enquiquinaient les pisse-froid depuis l'Antiquite: ce club d'acrobates du verbe fut invente pour botter le train des certitudes. Et saboter les axiomes. Peuple de l'interrogation, amis des courants d'air spirituels, des concepts rebondissants et des trampolines de la pensee, ils ne pouvaient qu'agacer les dogmatiques et les aficionados de l'inertie... Et dire que Vichy voulait lutter contre l'influence de ces gens la...mu par le reve sinistre de faconner une france obese de reponses, repue de credo patriotard et vide de questions. En somme deja morte. Comme l'Allemagne sans vie que preparait Hitler, asphyxiee de doctrine, prete a sortir des ecrans radar de la modernite. Quel projet terrible que de vouloir exterminer des points d'interrogation!" (Alexandre Jardin, "Des gens tres bien")
L'une des qualités de la communauté juive française est le respect de la tradition comme valeur, et ce que la personne pratique ou pas. C'est aussi cette héritage (au détriment parfois de la alaha (la Loi) ) qui a permis aux Juifs et Juives de France de survivre aux dangers de l'assimilation. L'ironie est qu'en cristallisant leur identité juive dans des coutumes qui certes ont de Juif la volonté la transmission (ce qui est essentiel), ils remettent parfois en cause l'essence de cette même identité, la remise en question de tout et tout le temps , propre au Juif·ve. On peut donc trouver beaucoup d'hommes “justifiant” leur arrivée en voiture à l'office de shabbat (pour rappel c’est un grave interdit) mais tout à fait outrés qu'une femme puisse lire la méguilat Esther à d'autres femmes (pour rappel ceci est permis). Et l’on trouvera des femmes qui défendent avec presque (et ce “presque” est un problème) autant d'ardeur leur droit de se vêtir d'habits ne répondant pas vraiment aux normes minimum de pudeur (litote) qu'elles défendent un interdit imaginaire leur défendant de toucher la Torah, d’y monter ou de réciter le kadish . On retrouve aussi chez les francophones un nombre incroyable de ce que j’appelle les “rabbins spectacles” car il ne manque plus que le son lumière à leurs cours: démonstrations magiquestrales en guematria tenant place de postulats, enseignement dichotomique où les bon·ne·s sont récompensé·e·s (surtout s’ils·elles respectent les mitzvot) et les méchant·e·s sont soit puni·e·s soit repenti·e·s (apparemment le livre de Job ne sert à rien et je préfère oublier comment cette vision Juive de Walt Diney “explique” la Shoah). Les injonctions manichéennes sont accompagnées de menaces plus ou moins voilées, qui seraient terrifiantes si elles étaient moins ridicules. Des houmrot (lois non obligatoires) “originales” sont citées pelle mêle avec les alahot (lois obligatoires): Par exemple, sous prétexte que la femme est un “diamant plus proche de l’Eternel que l’homme’’ (ça a bon dos à la fin), elle devrait sortir le moins possible de chez elle et même éviter de conduire car, (je cite le Choul'han Aroukh des Femmes, Editions Torah-Box) “ il est préférable que les femmes s'abstiennent de conduire en voiture car cela encourage la licence et est en contradiction totale avec le principe "toute la gloire de la fille du Roi est dans son intérieur". Il se peut que ce soit là l'une des raisons des tragédies qui ont eu lieu sur les routes faisant tant de ravages. En outre il arrive souvent que les bras d'une femme se découvrent lorsqu'elle est au volant et c'est pourquoi il vaut mieux s’en abstenir ”. C’est bien connu: “femme au volant, mort au tournant”! Il ne manque plus qu’un petit miracle dans le genre "et la violence du choc de l'accident mortel fit tomber le manteau de la malheureuse pour en recouvrir ses bras dénudés" pour que ce fût parfait. (Si Torah Box veut me piquer la fin je demande des droits d’autrice).
Les hommes d’aujourd’hui affirment souvent rêver d’une femme indépendante, avec laquelle ils peuvent débattre sur tout, qui peut se débrouiller seule. Mais la réalité est différente: Car pour se sentir des “vrais” hommes, beaucoup ont non seulement besoin de se voir comme des chevaliers protégeant les jolies jeunes filles en détresse , de bomber le torse en entendant des “Chéri tu peux me changer l’ampoule / m’aider en maths / parler à un tel d’un problème car je n’ose pas ? Oh merciii, je ne m’en serais jamais sortie sans ton aide, tu es si fort/ intelligent, mon héros!”. J’exagère à peine.
Parallèlement ils ont aussi besoin de se savoir plus rationnels et ambitieux que leur compagne, moins sensibles, plus indépendants et certains l’admettront peut être, un peu plus intelligent qu’elle (allez même juste un tout petit peu). Il est assez commun culturellement de rencontrer un homme très intelligent, cultivé, un peu étrange et froid car perdu dans son univers abstrait, marié à une femme, non pas dénuée de d’intelligence, mais aux considérations plus pratiques et relationnelles, par ailleurs vive d’esprit, diplomate, aimante, perspicace spontanée et douce. L’inverse est moins courant; ou bien il faut que le mari soit (au moins) aussi intelligent que sa compagne. Sinon cela ne passe pas. La plupart des hommes se sentent perdus quand des femmes ont aussi (ou pire davantage) des traits de personnalité communément jugés plus “masculins”, tels que l’impartialité, la ténacité, l’ambition, l’objectivité, et autres qualités paradoxalement inséparables du caractère indépendant que certains affirment souhaiter chez une femme. Une femme qui n’a pas besoin qu’on lui porte sa valise si elle ne le demande pas, ni qu’on lui paie le restaurant, qui est capable de s’acheter des fleurs comme une grande si elle en a envie, une femme qui ne veut pas qu’on prenne sa défense même galamment ( la galanterie n’a rien de Juif, c’est une pratique païenne héritée de l’amour courtois né au Moyen Age), une femme tout aussi aimante mais qui est aussi capable de tenir tête dans un débat d’idée, en préférant la dure vérité d’une rhétorique objective à une approximative mais diplomate harmonie; cette femme est déstabilisante pour beaucoup d’hommes, qui ne se sentent virils que quand ils se comparent à l’Autre, qui ne se sentent puissants que dans le rôle du chevalier puissants protecteur qui console, rassure, tempère la subjectivité, la sensiblerie féminines.
Women studying Torah in a displaced persons camp after the Shoah. Credit photo: Yad Vashem site and archives.
Il a été prouvé que beaucoup d’hommes sont moins attirés par une femme si elle leur paraît autant sinon plus intelligente qu’eux. Cela remet en question leur virilité. Et dans la conscience Juive collective, “le limoud, l’Etude” est une histoire d’hommes uniquement, c’est La Mitzvah masculine, celle où ils doivent exceller pour être reconnus.
Pire, certain·e·s “religieux·ses” encouragent les couples à vivre dans une famille où, en “maître de maison” c’est l’homme qui dirige le foyer ; mais pour être un “bon mari” il se doit de prendre aussi en compte les désirs de son épouse et parfois y céder. ( Pour moi quand on “cède” c’est qu’on a le pouvoir: cela me rappelle une des rares scènes comiques du film “la liste de Shindler”). Épouse, qui elle doit, et je cite encore un cours Torah Box, (merci pour leurs précieux conseils): “ proposer son idée et en accentuant sa difficulté, et non pas en exprimant une opposition à son mari “ , car “ le mari est celui qui dirige dans le foyer, c'est dans sa nature, c'est son besoin, et c'est ce qui le rend épanoui et attentionné envers sa femme. Parler à son mari de sa difficulté, éveille en lui compassion et envie de faire plaisir à sa femme, alors que s'opposer à lui le blesse et cause qu'il va se braquer ”.
Credit photo: Dror Hadari
Quid de ces femmes qui tout en comprenant et respectant le besoin d’honneur des hommes, veulent elles aussi être respectées pour leurs idées et leurs principes, et non par effort de “compassion” envers la sensiblerie des femmes? Quid de celles qui ne vont pas nuancer leurs arguments par la légendaire douceur féminine dans le seul but de satisfaire l’égo masculin qui se doit à lui même d’être le plus rationnel du couple et qui se sent perdu si un membre du sexe faible ne sacrifie pas son intelligence pour l’émotivité et la médiation féminines atten-dûes? Quid de ces femmes qui ne veulent pas faire l’impasse sur the love of the truth pour the true love, quid de celles qui ne veulent certes pas diriger leur époux mais qui refusent aussi de se laisser diriger, de celles qui ne veulent ni des conseils qui ressemblent à des ordres, (vous savez bien... ce genre d’injonctions qui donnent aux hommes des manières de leader intelligent rassurant et viril, mais dans la bouche d’une femme donnent à celle çi des allures de dictatrice castratrice hystérique)? Quid de celles qui ne veulent pas qu’on leur tienne la porte ni qu’on leur paie l’addition, mais qui souhaitent transparence, échange d’idées honnête, et respect mutuel? Ces femmes moins romantiques (dans le sens classique du terme), qui savent ce qu’elles veulent dans la vie, sont prêtes à se battre pour, qui essaient de ne pas laisser leur cerveau suivre leur coeur, et préfèrent la logique, le débat, la vérité. Elles existent aussi et n’en sont pas moins des femmes. Beaucoup affirment les estimer, d’autres les fantasment, mais en pratique et la réalité peu les souhaitent vraiment comme compagne. Et c’est triste. Triste pour les 2 sexes. On veut encore moins d’elles dans les milieux religieux classiques où la religion est parfois utilisée pour justifier des traditions patriarcales (qui pour certaines n’ont rien authentiquement juives) où la pudeur (en plus d’être apparentée à la pudibonderie) est parfois confondue avec l’ingénuité voire l’ignorance . Dans une société qui perd ses repères il est plus rassurant plus facile d’être l’époux d’une femme formidable mais plus émotionnelle, spontanée, plus dépendante, qui considère la galanterie et le changement de nom de famille comme des preuves d’amour plutôt que comme des atteintes à leur indépendance. Ou peut être l’époux d’une qui ne s’est jamais posé la question.
Pour redorer le blason ou plutôt reblanchir le kittel de Torah Box (qui peut aussi publier autre chose que des colliers de perles), je partage cette vidéo intéressante.
D'un point de vue strictement ontologique, la femme est pour le Judaïsme, l'égale de l'homme. Tous les versets de la Torah relatifs à la sainteté incluent aussi bien les femmes que les hommes. Le fait que la Torah ait dispensé les femmes de certains commandements, ne relève absolument pas d'une quelconque infériorité à leur égard, bien qu’il s’agisse à priori d’un "allègement" que Dieu a tenu, pour des raisons qui dépassent notre entendement, à leur endroit. Aussi, l’homme est tenu de respecter sa femme autant que la femme doit respecter son mari ; nombre de femmes furent prophétesses, et les règles qui concernent la prophétie s’appliquent autant aux femmes qu’aux hommes. En outre, la tradition aussi bien écrite qu’orale à réservé bien plus de louanges aux femmes qu'elle n'en a réservé aux hommes. Il n’y a donc aucun manque de respect à leur égard dans le fait qu’elles soient dispensées de certains commandements, et elles n’ont aucune raison d’en concevoir de l’amertume." (R. Moshé Feinstein (1895-1986) Igrot Moshé Or ha’Haïm vol. IV, 49). Credit photo: La source des femmes
Je souhsite toucher à un paradoxe de la gent féminine qui veut (à juste titre) percevoir le même salaire, les mêmes droits sociaux que les hommes, partager les tâches ménagères, disposer librement de leur corps, etc... mais qui trouve tout à fait normal que l’homme paie le restaurant ou lui ouvre la porte. Je ne nie pas que c’est un jeu de séduction romantique (et qui plus est, extrêmement efficace) et j’avoue honteusement qu’une part de ma personnalité trouve délicieusement démodé qu’on m’aide à enfiler mon manteau telle une princesse (après tout, je m’appelle Sarah = “princesse”en hébreu), une princesse si précieuse, si adulée, si désirable, si gâtée (si incapable en fait), qu’il faille éviter tout effort à cet être si angélique, si délicat. Sexisme bienveillant.
Mais pour être honnête intellectuellement, je ne peux pas jouer sur les deux tableaux. Un équilibre d’un côté entraîne un déséquilibre de l’autre. Oui les hommes d’antan payaient l’addition mais les femmes de l’époque n’auraient pas pu payer, n’ayant pas le droit de disposer de leur argent. Certes une dame était mise sur un piédestal tel un vase fragile; mais elle l’était malheureusement et un vase sur un piédestal se casse certes très facilement . Aujourd’hui, les femmes féministes, devons je crois, faire preuve de cohérence et de logique. On ne peut pas avoir le beurre acheté avec l’argent de notre labeur et le baisemain du crémier. A choisir je renonce donc au baisemain (de toute manière je ne touche pas les hommes) et je garde mon salaire égal (ça reste de la théorie). Si les femmes envoient elles mêmes des messages contradictoires voulant à la fois être des wonderwomen mais aussi des Blanche Neige attendant passivement que leur Prince vienne les sauver la bouche en coeur, il ne faut pas s’étonner que les hommes se confrontent à davantage d’obstacles.
La gent masculine a déjà des difficultés à retrouver ses repères dans une société plus égalitaire où ils n’ont plus le monopole d’autrefois, quand c’était certes injuste mais surtout plus simple: leur valeur était jugée relativement et non objectivement. Maintenant Madame gagne autant parfois même plus que Monsieur, elle sait changer une ampoule toute seule, connait la Mishna et sait faire du karaté. Alors à quoi sert il lui ? Existe autrement que relativement, sa virilité disparaît elle avec l’extinction des chevaliers en armure du Moyen Age? Je crois fermement que les spécificités et particularités propres à chaque sexe ne s’évaporent pas pour autant, elles peuvent aussi s’exprimer avec davantage de liberté et d’authenticité car elles existent par essence. C’est certes un équilibre à trouver. Les hommes ont tellement eu à prouver qu’ils étaient forts et virils (“babouinerie babouinerie “pour citer Solal / Albert Cohen), avec leurs poings (au sens figuré si je suis optimiste et je le suis), en dominant l’Autre qu’ils ont du mal à admettre que leur nature est en soi suffisamment masculine, qu’ils peuvent (et doivent) être respectés pour eux mêmes, que leur valeur , leur “virilité” sont belles, respectables et surtout intrinsèques à leur sexe.
Photo: Pride and prejudice « La force d'un homme ne se mesure pas à la taille de ses muscles mais à l'éclat du sourire de sa femme » Rabbi de Loubavitch
J'ai eu la chance d'être accompagnée dans ma teshouva par gens formidables, érudit·e·s et très ouvert·e·s. Rav Elie Kling, et les autres professeur·e·s de la midreshet Hemdat Hadarom s'il ne fallait citer qu'eux·elles mais il y en a beaucoup d’autres. La plupart étaient des hommes. (J’ai toujours communiqué beaucoup plus facilement avec les hommes que les femmes). Ils ont accepté d’avoir, avec une jeune fille laïque ayant sincèrement soif de vérité, des longues, saines et profondes conversations. Avec pudeur et franchise, sur absolument tous les sujets: la Shoah, la pudeur, les Non Juif·ve·s, la mort, le libre arbitre, le sexe (il n’y a pas de pudibonderie dans un judaïsme authentique), etc. Ces hommes ouverts qui répondaient à mes questions sans aucun tabou mais avec pudeur étaient de toutes tendances religieuses; des datim leoumim (sionistes religieux) mais aussi des harédim (oui oui le costume et le chapeau ne sont pas sensés empêcher l’ouverture d’esprit, je dirai au contraire): je me souviens d’un homme harédi (ultra orthodoxe) marié, chez qui je passais shabbat avec lequel j’ai parlé jusqu’à 3h du matin et sur absolument tous les sujets possibles).
Ce sont ces conversations si franches, ouvertes, intimes et pourtant pudiques qui m’ont permis d’avancer dans la pratique religieuse, moi qui ne connaissait rien de la pratique du judaïsme... J’étais trop éloignée pour imaginer que ce genre de conversations profondes avec une une jeune fille laïque n’étaient pas chose naturelle et évidente pour tous.tes! Mais si ces hommes n’avaient pas eu autant de tolérance envers les autres qu’ils n’avaient d’exigence envers eux mêmes je serais restée sans ces réponses essentielles. Ce sont ces discussions sans tabou qui m’ont permis d’avancer vers un judaïsme profond et authentique. Ces hommes qui, même s'ils ne se définiraient peut être pas par ce terme si controversé de “féministes” (et c’est bien dommage), le sont par leur attitude si optimiste pour les femmes. J'ai eu beaucoup de chance! Car ils encouragent un féminisme compatible avec un respect authentique de la Torah. Aujourd’hui je me rends compte avec surprise que j'ai eu une éducation religieuse rare pour sa qualité, et que tout le monde n’a pas appris la Torah avec des maîtres aussi ouverts et tolérants.
Credit photo: Ed Sheeran
Si je n’avais pas connu ces personnes que je découvre après coup extraordinaires au sens littéral du terme, si je n’avais vu de mes yeux un judaïsme compatible avec le respect des femmes, je ne serai sans doute pas devenue respectueuse des mitzvot (commandements); Je serai certainement restée avec mes stéréotypes, mon ignorance de ce qu’est vraiment le judaïsme et aussi un souvenir d’un de mes premiers shabat en Israël, une image si triste qu'à l’époque je ne pouvais en apprécier l’aspect comique. J’étais une jeune fille laïque de 15 ans, il faisait 40 degrés à l’ombre , la prière du matin venait de finir et il y avait un kidoush (apéritif). Les femmes faisant des allers retour entre la cuisine et la terrasse, pour servir leurs époux, sans jamais s’asseoir elles mêmes: elles ressemblaient aux rayons lumineux convergeant vers le soleil...(comprenez par l’astre solaire leurs maris, nonchalamment assis en cercle dégustant les apéritifs qu'elles s’empressaient de leur remplir ou de débarrasser, leur trajectoire ne déviant jamais trop de la virile orbite).
Merci à @Avrumi Levinger et à @Live the Bible pour cette photo. Credit: https://www.instagram.com/p/BSlXs6ijMR0/?taken-by=jerusalem_photo
Cela peut surprendre mais de tous temps il existait et il existe des femmes de caractère, qui ont vécu selon cet idéal, mon idéal: de Sarah Imenou à Sarah Schenirer (créatrice du mouvement Beit Yaakov, l'une des premières à se battre en faveur d une éducation religieuse de qualité pour les filles orthodoxes) en passant par Dafna Meir zal (un modèle de mort mais surtout de vie pour moi) et Naama Henkin zal, mais encore Rabanit Rayna Batya épouse du Netsiv, Hanna Nassi plus connue sous le nom de Dona Gracia , la Rabbanite Fre'ha (Flora) Sasson, les filles “intelligentes” de Tslofhad (parashat Pinhas, et selon Rabbi Akiva, les filles du fameux coupeur de bois pendant Shabat ), Yael, Yehoudit, les jeunes filles de Goush katif voir vidéo, Racheli Frankel (la maman de Naftali zal), Nathalie Loewenberg (seule yoetsset alacha francophone(pour le moment)), certaines pionnières de la deuxième alya dans les yishouvim, Nehama Leibowitz , Rivka Tshikotay fille du Rav Ovadia Yossef zatzal, ou Dvorah juge et prophétesse d’Israël et femme de Lapidot, etc: la liste est longue.. Et aujourd'hui ces grandes femmes si modernes sont culturellement oubliées, cet authentique féminisme orthodoxe est considéré comme innovant, à la limite du libéralisme!
Le manque de diversité religieuse que je ressens aussi dans les groupes féministes juifs contribue à l’approche dichotomique de ces deux notions et je trouve cela vraiment dommage: Pour ceux·les pour qui les contradictions apparentes du judaïsme et du féminisme signifient une opposition d’essence; prenons ces deux valeurs comme les entités d'un couple, égales et opposées. Alors oui c’est vrai. Il faut parfois faire des efforts pour les marier sans que l’une n’étouffe l’autre. (comme dans chaque couple, je crois)... Mais pour moi, opposer judaïsme et féminisme c’est exactement pareil qu’opposer science et Torah ou sionisme et judaïsme: Depuis que l’Etat d’Israël a vu le jour il faut trouver des solutions concrètes à des questions qui ne se posaient pas précédemment, dépoussiérer quelques Guemarot oubliées, les rendre vivantes, fertiles et responsables. La belle affaire! (Je vise ici uniquement les frileu·x·ses du cerveau pour qui les idées sont motivées par la crainte viscérale d’une remise en question et non par une réflexion intellectuellement honnête ); Peur du changement, responsabilités à assumer avec les risques que cela inclut, c’en est assurément trop quand on préfère continuer à étudier de manière stérile et sécurisante ce qui ne peut être modifié avant la Geoula (les “temps messianiques”). Et si la Geoula arrive, ne nous habbillons pas pour notre amant, ne salissons pas les pieds de la jeune fille passive à la Walt Disney que nous sommes, pour reprendre l’allusion de Shir AShirim, continuons de vivre notre amour dans et par notre attente (fin du Kling d’œil).
Credit: Yonina, photo: Linoy Mishaly
Est ce parce que l’on doit se responsabiliser pour ne plus seulement transmettre les décisions des anciens mais nous aussi se casser la tête pour concilier les alahot dans u spectre national et non plus individuel, statuer hilhatiquement en partenariat d’un Etat moderne (par exemple trancher si oui ou non l’on peut faire fonctionner les transports publics, l’espace aérien le shabat, ou bien si l’Etat d’Israel doit permettre l’importation de produits non cacher), signifie que sionisme et judaïsme s’opposent par essence? Certain.e.s vous affirmeront que oui justement pour cette raison! Pour moi ces interrogations sont à elles mêmes une réponse négative, en même temps qu’une preuve de la vitalité éternelle de la Torah: C’est ce mouvement, ce conflit, cette complémentarité, ces imperfections, ces divergences d’opinion si chères au judaïsme, cette absence d’absolu donc de stérilité et de mort, qui sont des preuves de vie car d’efforts, de duo, du tango à deux (pléonasme mais je voulais mettre l’accent), et d’espoir. De la même façon, il faut prendre le temps de la réflexion pour vivre son féminisme dans l’entier respect de la alaha (Loi juive), surmonter de vraies difficultés présentes dans les textes , je ne peux nier ces contradictions. Ce n’est pas toujours facile ... Parfois cela paraît inconciliable; pourtant je ne crois pas que ces questionnements soient preuve d’une opposition d’essence, mais le contraire.
Credit: Malka Rothman, photographer: Daniel Notcake
Le féminisme ce n’est pas s’opposer aux hommes ou vouloir absolument leur ressembler, et encore moins les dominer. C’est vivre avec eux, les rejoindre dans le récit et les aimer sincèrement, pour leurs différences justement.
Il faut souligner que les hommes aussi souffrent dans une société patriarcale: Dès le plus jeune âge ils subissent une pression énorme: Ils leur faut être des hommes, et des vrais! c’est à dire des êtres rationnels sans sensiblerie excessive, qui ne pleurent pas, qui parlent peu et agissent vite; ils sont sensés être pénétrants et agressifs dans leur manière de vivre, dans leur sexualité; s’il est maladroit au tennis on dira de lui qu’il “joue comme une fille”, ils n’ont pas le droit d’aimer certaines couleurs (!) ou certaines matières; ils doivent être sûrs d’eux mêmes, leurs jeux d’enfants puis les métiers qui doivent les occuper sont limités, au risque de perdre de leur virilité aux yeux d’autrui et d’eux mêmes.
(On achètera de préférence une dînette à une petite fille mais si elle veut jouer aux voitures ou aux pistolet à la limite on trouvera cela “mignon” et l’on s’exclamera affectueusement “oh quel petit garçon manqué!”. La plupart du peu de fillettes qui n’aiment pas les princesses ont eu comme modèle d’enfance un héros masculin (pour moi c’étaient Jesse de “Sauvez Willy” et Mimisiku de ‘’un indien dans la ville”, c’était Moogly pour d’autres. Mais combien de petits garçons se sont déjà identifiés à un personnage féminin et si oui à quel prix? S’il veut se déguiser en Chihiro, Lara Croft , Mulan, Reine des Neige, s’il se retrouve davantage dans le caractère de Princesse Leiia ou de Hermione que de Han Solo ou de Harry Potter ou s’il aime faire des colliers de perles , il ne bénéficiera certainement pas de la même tolérance qu’une petite fille qui veut être pirate. Un homme est beau quand il est puissant. Une femme est belle quand elle est vulnérable et douce. C’est en tout cas ce que nous montrent les films et les publicités. Si vous travaillez dans le marketting je vous déconseille d’essayer l’inverse.
Mais même sans la liberté que le féminisme peut leur apporter à eux aussi, si le quotidien de leurs femmes, sœurs, mères, si l’avenir de leurs filles les intéresse un tant soit peu, alors c'est un combat auquel les hommes devraient participer en ayant le courage de surmonter et d’assumer ce mot ‘’féministe’’ devenu si “impopulaire”. Et c’est un euphémisme car avouez, qu’est ce qui vous vient à l’esprit en entendant féminisme?
Les Femen aux seins nus? Une cause valable dans le Tiers Monde mais désuète et inutile dans la société occidentale? Une volonté vengeresse de suprématie féminine qui dominera les hommes? (ce qui au fait n’est pas du féminisme mais du sexisme), les “femmes du Mur”? Des combats de syntaxe (in?)utiles? Une “hommasse” poilue, homosexuelle de surcroît ? Le féminisme c'est souhaiter l'égalité, (au moins sociale), des deux sexes. Pas moins. Pas plus. C’est donner la liberté et le choix à tous·tes. N’est ce pas une demande légitime? Réciproquement ne pas se considérer féministe c’est affirmer que les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes droits ni la prétention aux mêmes chances. Le féminisme n’est pas sensé faire peur. Sauf bien sûr si perdre le monopole des droits et opportunités est considéré comme une menace. Après tout, quand le privilège est une habitude l’égalité devient oppressive. Ici le discours d’Emma Watson à l’ONU, qui profite de sa célébrité pour sensibiliser les hommes à la cause des femmes. Je trouve qu’elle explique de manière très juste ce qu’est vraiment le féminisme et je vous conseille vivement de le visionner. Pour les messieurs qui ont le mérite de protéger leur regards, elle est habillée décemment .
Credit photo: Andrea Grinberg
A tous mes frères Juifs, vous êtes aussi les gardiens de vos sœurs. Notre voix, celle là même que vous appelez “nudité” monte vers Lui pour chanter Ses louanges. Ne vous désintéressez pas de cette cause, dépassez vos préjugés puis dépassez les préjugés qu'auront sur vous ceux et celles qui voient le féminisme incompatible avec le genre masculin, qui confondent virilité et machisme. Il n'y a qu'un homme doutant de sa propre virilité qui ressent le besoin de prouver quelque chose en étant au-dessus de l’Autre pour se sentir exister. Un homme qui sait ce qu’il vaut n’a pas peur de l’égalité, n’a pas ce besoin de montrer des preuves extérieures de son appartenance à la gent masculine. Soyez fiers d'être des hommes qui se respectent eux-mêmes, sans avoir besoin de vous comparez pour exister pour vous-mêmes et surtout par vous-mêmes, pour vous sentir forts, respectés et respectables. Vous l'êtes.
Credit: Google
Et aux rabbins et responsables de communautés: il y a un gros travail à faire et c'est le votre: vous avez cette responsabilité d'œuvrer pour un changement de mentalité profond. C’est à vous de vous vous mouiller en mettant le premier pied dans la mer. Votre titre sert à cela et non à faire acte de présence aux mariages et enterrements ou bien à faire des discours mondains préréchauffés. Beaucoup de femmes juives cherchant la vérité se tournent vers des courants juifs (ou pas) moins authentiques mais qui, au moins, considèrent et trouvent des solutions à des questions légitimes: même si leurs réponses ne sont pas alahiquement justes, elles sont tangibles, contrairement à votre désintérêt ou parfois votre mépris, chers experts en Mishna. Les mouvements juifs libéraux ne devraient pas avoir le monopole de la défense des femmes, mais il en est ainsi aussi de par votre abandon de la cause. Se désintéresser de ce combat c'est sous-entendre que le judaïsme y est opposé ou pire encore, qu'il ne peut trouver des solutions concrètes à des questions réelles et fondées. Le judaïsme perd son éternité s’il devient une science, théorique, limitée et incapable de résoudre les problèmes de la moitié de ses coreligionnaires. Si ce n'est pas vous, responsables communautaires alors qui et si ce n'est pas maintenant alors quand? (C'est cette maxime des Pirkei Avot qui a été choisie pour sensibiliser les hommes dans la campagne "He for she’’ représentée par Emma Watson, voire la vidéo plus haut).
Credit: Karine- Artist Page
Il y a mille manières d’être féministes, en mini jupe en kippa et costume, en jupe longue (Malala Yousafzai), en voile, et peut tout à fait respecter cette complémentarité si chère au judaïsme. Personnellement je ne me sens pas du tout représentée par le féminisme universaliste de Simone De Beauvoir. Le féminisme auquel je me rattache est essentialiste (c’est à dire que je défends l’idée que les deux sexes ont des différences d’essence que je tiens à sublimer) . Pour beaucoup de féministes, égalité ne veut pas dire égalité dans absolument tous les domaines et encore moins similitude. Je ne crois pas que les hommes et les femmes soient identiques (et heureusement). Pour citer Sara Esther Crispe “si les différences physiques sont si clairement indéniables et apparentes, alors pourquoi serait-il si farfelu de penser que peut-être à côté de ces différences physiques, existent également des différences émotionnelles ou psychologiques ou spirituelles ?” Je suis en faveur de la célébration et la sublimation de ces différences. Mais je suis aussi contre la pression culturelle et sociale que subissent les hommes et les femmes qui ont le malheur de posséder des traits de personnalité ou des hobbies moins classiques pour leur sexe, à rentrer dans le schéma traditionnel. Leur spécificité du genre tient à davantage.
Credit photo: Mihal Fattal
C’est plutôt une égalité de “valeur absolue’’, mathématiquement parlant. Anion cation, homme femme, yin et yang etc. Égalité de valeur, ni rapport de force ni similitude mais polarité opposée. On parle beaucoup d'attraction terrestre en oubliant qu’elle est indissociable de ce principe physique simple: si la Terre aussi n'exerçait pas sur l'Homme une force égale et inverse que celle qu'il exerce sur elle (son poids), il s'envolerait ou s'enfoncerait. Peut être est ce aussi un autre secret de la Torah, toujours chercher à progresser, se dépasser, s’élever, ne pas s’enfoncer spirituellement. Mais gare à ne pas négliger le côté matériel au profit du spirituel dans son absolu, ne pas être un·e tssadik·et (un·e “juste/saint·e”) égoïste car enfermé·e dans sa Sainteté, si élevé·e vers les cieux, (un Yaakov qui serait resté “l’homme des tentes” sans avoir été envoyé chez Lavan), qu’il·elle ne peut plus respecter “tu aimeras ton prochain comme toi même” quand ce prochain est lui·elle bien ancré·e sur cette terre matérielle.
Pour moi le secret métaphysique du monde c'est justement cette opposition égale, cette “ezra kenegdo”, toutes ces valeurs en apparences opposées à la Torah, féminisme, sionisme, science (...), mais chacune s’unissant littéralement à elle dans un cercle circonscrit ayant l’Unique en son centre, l’infinité de ces unités miraculeusement crées par ces “oppositions” formant l’arborescence qu’est notre monde.
Credit: Daniel L. Hocutt
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