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Frumette à cheveux longs et idées courtes
27 juillet 2019

Sexualité, être chez soi en l'Autre

chagall

Note "préliminaire" : Je considère la féminité et masculinité non comme une dualité mais un spectre que chaque humain possède. Je suis consciente de la diversité des anatomies sexuelles ainsi que des orientations sexuelles. Je ne parle ici que de ma perception personnelle d'hommes et de femmes, dans une relation hétérosexuelle.
L'influence réciproque de la culture et du langage me passionne. Je me suis interrogée sur le lien entre notre représentation collective de la  sexualité et les termes employés pour en parler. Ma conclusion personnelle fût que la perception psychosociale de la pénétration est une construction sociale acquise dans laquelle l'homme pénètre la femme, la femme est pénétrée par l'homme. Et cette perception nous paraît évidente qu'importe le consentement, la position, ou l'initiative féminine. Le plus souvent, en particulier dans le milieu psychanalytique français très freudien et lacanien, la pénétration est vécue, ressentie par les deux sexes comme une conquête, physiquement comme une presqu'effraction symbolique, aussi agréable puisse t'elle être.  Et ce sentiment de possession constitue d'ailleurs peut être l'une des composantes du plaisir que l'une et l'autre retirent de cet acte, quand il est consenti cela va de soi.
Tout est question de sémantique. Nous manquons d'éthique dans notre manière de parler de sexualité, de par l'inégalité du vocabulaire, exclusivement masculin."Pénétration", "éjaculation" sont des mots qui reflètent uniquement la perception d'une personne dotée d'un pénis. Le vocabulaire phallocentré nous contraints grammaticalement à employer la forme passive ("être pénétré") pour parler du point de vue féminin, ce qui n'est pas anodin. A mon sens langage, et culture sont intrinsèquement liés et s'influençant l'un l'autre il n'est pas étonnant que cette manière de parler de sexualité soit liée au mâlentendu entre les sexes quant à cette question.
Dans la représentation collective habituelle, l'homme est actif. En la pénétrant, il "prend", possède, la femme. Mais l'homme / son membre, pourraient tout aussi être perçus comme l'élément "pris" par elle, en elle,  et ainsi devenir l'élément passif et fragile car enveloppé en entier à l’intérieur du sexe féminin qui l'enferme en lui. De même que l'on "prend" un objet dans la main en s'en saisissant, que l'on prend une personne dans ses bras, ou qu'un animal prend sa nourriture de sa gueule pour qu'elle ne lui échappe pas, l'homme est pris dans et par la femme.  Pour ma part je ne connais pas d'autre cas où c'est l'objet physiquement saisi qui est perçu comme l'élément actif. Il est intéressant de constater qu'il n'y a que dans l'acte sexuel de pénétration que l'élément réellement pris (le pénis), ordinairement passif devient l'élément actif; et que ce soit la femme qui soit perçue comme "prise" alors que c'est bien le sexe masculin qui est saisi  par le sien. Ce renversement est si poussé qu'en plus d'être "prise" en étant possédée par l'homme, la femme est dépossédée de quelque chose, sa virginité, son honneur, etc.  Un rapport sexuel est perçu comme une possession de l'homme sur la femme; qui lui lui ravit quelque chose. L'homme lui prend quelque chose, la prend elle même, à partir du moment où il est perçu comme l'élément pénétrant, dominant. Cette perception de l'homme qui (dé)possède la femme se reflète également dans notre vocabulaire pour parler de sexualité que le langage soit courant / soutenu ("posséder", prendre", "assauts" , etc) ou vulgaire. La violence dans les termes employés témoignent au mieux d'une conquête puis victoire physique et/ou psychologique de l'homme sur la femme quand elles ne sont  métaphoriquement empruntées au champ lexical de la guerre ou destruction.
Note: Dans une relation hétérosexuelle également l'homme peut lui aussi être "pénétré" et tirer plaisir d'une stimulation prostatique. Si ce sujet de si tabou c'est justement car il  remet en cause les stéréotypes de genre quant à la pénétration. Pour certains pénétrer associée à la dominance, tandis qu'ils associent le fait d'être pénétré à une caractéristique féminine ou homosexuelle donc à tort à des notions de faiblesse, de passivité ou soumission, c'est à dire inconcevable avec leur notion biaisée de la virilité.
Et si les rôles sociaux étaient les mêmes mais que les organes génitaux étaient inversés? (Note : il existe des hommes possédant un vagin et des femmes une verge même si ces personnes ne représentent pas la majorité) ; Gardons les stéréotypes de genre actuels: l'homme reste fort et protecteur, dans un rôle dominant et la femme demeure  passive, douce et aimante. Ne changeons pas une équipe qui gagne, seulement son équipement. Concrètement, imaginons un homme fort et actif  pourvu d'une vulve et une femme douce et passive possédant verge et testicules. Nous dirions peut être que l'homme par la force de son vagin enveloppe, protège, enserre la verge féminine, comme il le fait de par ses bras. Puisque nous sommes en théorie imaginons un de ces médiocres cours de religieux s'appuyant sur la différence génitale pour conforter le rôle social socialement souhaité de chacun des deux genres :
L'homme a été crée à partir de la terre (Berehit), c'est pourquoi il est connecté aux lois de la nature. Comme celle çi, l'appareil sexuel masculin possède des cycles menstruels et un fonctionnement complexe en accord avec sa source originelle, la terre. L'homme a été pris à la terre, il aspire à y retourner et est soumis aux lois et cycles de la nature.  A l'inverse, la femme fût crée à partir de la côte masculine, c'est pourquoi elle n'a pas de cycles en accord avec la terre mais plutôt un désir permanant la portant constamment vers l'homme. La femme , prise de la côte de l'homme, est portée vers lui et sa nature  profonde tend instinctivement à se  retourner à sa source originelle, l'homme.  Ainsi dans Bereshit  au sujet de la mâle-diction d’Ève il est écrit    "son désir la porte vers son mari et il la dominera" . C'est pourquoi  l'organe sexuel féminin, érectile aspire lui aussi à retourner en l'homme. Le vagin masculin, à l'image de l'homme, impressionne car   s'il peut certes s'ouvrir pour recueillir, protéger la femme et sa semence, il peut  également enserrer, presser la verge féminine de par la puissance de ses muscles jusqu’à en recueillir le fruit. La verge féminine elle , dans un mélange de peur et de désir se durcit la portant vers l'homme, soumise à son propre désir et aspire à retourner en son homme, son origine, la côte d'où elle a été prise. Il existe certes une représentation vulgaire courante que de mimer l'acte sexuel par un index au centre d'un cercle formé par d'autres doigts. Si la vulgarité de l'intention se situe aux antipodes de nos saints préceptes, la gestuelle n'en comporte pas moins une part de vérité symbolique et mime également la représentation profonde de la cérémonie de mariage. Ainsi au moment du mariage est également représentée la sainteté et pureté de l'acte sexuel.  L'homme "acquiert" une femme  ("kinyane"=acquisition) de par la remise de la bague. L'homme par sa bague vient entourer ce doigt féminin dressé qui qui va tout à la fois être saisi et protégé par l'anneau du mari. C'et acte symbolique du mariage prépare psychologiquement à l'acte physique où l'homme saisira en lui la verge féminine et ainsi fera sienne son épouse. L'homme entourera finalement la femme de ses bras, de sa bague et de son sexe dans une parfaite cohérence psychologique symbolique et physique.  La femme garde constamment son doigt enveloppé du cercle de l'homme qui représente son tout, ce vers quoi elle tend car source de son origine."
Ainsi il serait, théoriquement, tout à fait possible d'inverser la symbolique et de défendre l'idée que "c'est pas l'homme qui prend la mer la femme, c'est la femme qui prend l'homme"... et  ainsi le "domine" durant l'acte de saisie,  de prise du pénis en elle. Dans une société matriarcale l'acte  en lui même reste inchangé au niveau physique mais le point de vue et le champ lexical est change radicalement , le regard ne se fait plus phallocentré . La pénétration devient "saisie" ou "(em)prise",  "l'éjaculation" devient "prélèvement" à la limite du v(i)ol d'une semence que le sexe féminin par la puissance de ses muscles presse littéralement jusqu’à en extraire , arracher à l'homme l’extrait de son essence.   C'est alors la femme qui par ses mouvements fait jaillir la semence masculine, l'homme étant passif de son propre plaisir. 

Pour plus d'égalité de langage certains sexologues parlent de compénétration (on fera difficilement mot plus laid). Personnellement j'aime voir cet acte de fusion de deux corps mêlés plutôt que comme la dominance de l'un, quel qu'il soit,  par rapport à l'autre. Chacun se donne à l'autre en restant dans sa propre singularité. L'homme offre l'essence de lui même, la femme en accueillant l'Autre en elle. Car je suis intimement convaincue qu'inverser le rapport de force au est une erreur. Dans ma conception essentialiste du féminisme l'égalité ne passe pas par le fait de singer l'homme pour inverser le rapport de force, encore moins dans ce qu'il a de plus vil et agressif . Je crois plutôt à l'affirmation de sa propre singularité féminine . Ainsi le rapport entre les sexes ne revêt pas une symbolique de pouvoir dans un sens ou dans l'autre,  mais une célébration enthousiaste des spécificités propres à chaque sexe, un "débordement de soi"* que l'on offre à l'autre.  Je pense qu'il est dans la nature du masculin d'aller vers l'autre en sortant de lui même, que ce soit pour le conquérir ou le soumettre ou pour le protéger, mais toujours dans un mouvement vers l’extérieur. Je suis convaincue que cette nature est profondément ancrée dans la majorité des hommes jusqu'à la cellule spermatozoïde mâle qui, littéralement, va vers l'autre. Pour conquérir ou féconder mais toujours dans cette spécificité masculine d'expansion, de déploiement de transmission, ce mouvement toujours tourné vers l’extérieur.             
  A l'inverse je perçois l'essence de la femme, et ce jusque dans sa cellule sexuelle, comme l'intégration de l'Autre et de ses spécificités dans le Tout qu'elle représente déjà de manière indépendante, dans un mouvement de convergence. Cette intégration n'est pas passive. C'est un mouvement d'acceuil et d'expansion du "moi", vers son propre noyau, un mouvement conscient et choisi, et ainsi une véritable action qui demande un courage et affirmation de soi.
Dans  Midrash Bamidbar Rabbah (ט.ב) " שֶׁהִפְקִיד גּוּפוֹ אֶצְלָהּ לְשָׁמְרוֹ) "(son homme qui) a déposé son corps pour qu'elle le garde", le midrash applique au couple le champs lexical de l'objet en dépôt (Baba Metsia). Si la femme Sottah (soupçonnée d'adultère) est coupable, elle méprise la garde du corps qui lui avait été confié. Comme si l'homme confiait son corps à la femme, ce corps qui porte sa conscience, laquelle n'appartient à personne sinon à lui et lui demandait ainsi d'en prendre soin. Cette interprétation se situe aux antipodes de la manière "machiste" de considérer la virilité aujourd'hui. Ici le midrash offre un sublime de sensibilité masculine. Comme si le don de sperme était vécu comme une vulnérabilité précieuse, qu'il demande à la femme de chérir plutôt que comme une domination de l'autre.
En inscrivant sa féminité dans toutes les particularités qui lui sont propres, la femme ne prend pas l'homme mais l'abrite, la vulve n'engloutit pas le pénis mais l'enveloppe, protège, abrite en entier le sexe masculin qui vient s'y réfugier, s'y nicher, s'y enfouir, telle  une maison, un abri, demeure sûre où l'on puise des forces pour "en ressortir plus vivant"(*1). J'aime à imaginer que c'est dans ce sens que Rabbi Yossi appelait sa femme "ma maison" (shabbat 118b)
le sexe féminin comme une maison , un chez soi dont l'homme ressort plus Lui , plus entier plus vrai après y avoir déposé, semé son présent. Et si la femme est la demeure dans laquelle l'homme peut se nicher, l'homme lui pourrait lui être un toit l'abritant. Une maison est en soi déjà complète, elle représente une totalité finie et se suffit à elle même. Telle la femme qui au contraire de l'homme n'a pas besoin d'aller vers l'autre, ni d'y laisser sa trace ou l''essence de soi pour prouver son existence. Elle existe déjà de par elle même, trouvant déjà en soi une totalité en son noyau. Plutôt que de sortir de soi à la rencontre de l'Autre comme l'homme, elle cherche au contraire à intégrer la vie qu'est la semence masculine. Comme une maison est complète et se suffit à elle même mais aspire a être remplie de vie, à l’accueillir en elle. Et que serait alors la place de l'homme, de cet Autre, de ce " Toi " dans la relation,  puisque le Moi est déjà une totalité? Peut être celle d"être  à la fois une source de vie qui remplit un moi déjà fini donc ayant besoin de l'Autre en lui pour être fécond, un toit élargissant, habitant et épousant les contours du Moi féminin, un Toi(t) protégeant cette féminité non qu'elle serait fragile ou incomplète mais parce qu'elle lui est importante.


Illustration: Marc Chagall
(*1) expression de A. Jardin
(*2) expression de Lou Andréas Salomé ("Eros")
Cet essai est de moi mais j'ai eu comme sources d'inspirations les références que voici
"Au delà de la pénéreation" de Martin Page
"Eros" de Lou Andréas Salomé
Ecrits de Melville Dulvère Charles (lus dans des articles, voire çi dessous)
Ecrits d'Andrea Dworkin (lus dans des articles voire çi dessous)
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